Macao, en Chinois Gaou-Moon, occupe une partie de l'île de Heang- Shan. Les Portugais vinrent s'y installer vers l'année 1537, et ils s'y sont maintenus depuis cette époque en payant au trésor du céleste empire une rente de 500 taels par année. Des mandarins délégués pour cet objet ont l'inspection des forteresses Portugaises, et perçoivent des droits sur les navires qui visitent le port. Aux termes d'un édit impérial, le nombre des navires Portugais autorisés à visiter le port de Macao, ne doit pas être de plus de vingt- cinq navires par année, mais rarement il atteint la moitié de ce nombre. Le pouvoir impérial est représenté à Macao par un sous-préfet qui réside à Casa-blanca, et un Tso-Tang qui habite dans la ville. Il serait absurde de supposer que les Portugais aient la souveraineté de cette île, ou même de Macao. Le seul droit dont jouisse la couronne de Portugal, c'est de gouverner ses sujets d'après les lois du royaume ; cependant les Portugais ont à Macao un gouverneur, un sénat, des juges. Toute la population Chinoise est sous la surveillance de la police Chinoise, qui connait des délits commis par les Chinois, et exige même des autorités Portugaises qu'elles ne punissent leurs justiciables qu'après en avoir conféré avec elle.
La péninsule de Macao est formée de deux collines stériles et très-accidentées, unies l'une à l'antre par une langue de terre sur laquelle est bâtie la ville. Les maisons de Macao, élégantes et proprettes, sont bâties en briques et en pierres, recouvertes d'une couche blanche. Auprès de la baie, est une belle promenade, appelée Praya Grand Les rues sont mal pavées et beaucoup d'entre elles sont fort étroites comme dans toutes les villes Portugaises du monde. La ville est défendue par cinq forts, qui seraient imprennables, s'ils étaient bien approvisionnés. La population de Macao est d'environ trente-cinq mille âmes, dont cinq mille Portugais; encore ceux-ci se marient-ils tous les jours avec des Chinoises.
Macao compte treize églises. Ce lieu est célèbre pour le séjour qu'y fit le fameux Camoëns; on y voit une caverne qui lui servit de retraite, et dans laquelle il écrivit la plus grande partie de son poëme de la Lucîade. L'île est également remarquable par le temple de la déesse Matsoo- Poo, qui est situé dans le village d'Ama- Ko. Ce temple doit son origine à un simple matelot qui aborda dans l'île dans une jonque Chinoise, après avoir quitté la province de Fokien où la déesse Matsoo-Poo est adorée. Il avait à bord de son navire la statue de la déesse . La jonque ayant fait naufrage en vue de l'ile, le matelot étreignit de ces deux bras la statue de la déesse, qui le conduisit à terre sain et sauf. Dans sa recon naissance, il deposa la déesse sur le rocher d'Ama-Ko et lui bâtit une petite cabane. À quelque temps de là, un astronome fameux dans les sciences occultes apprit à l'empereur Teënke, que dans la province de Kwang-ton il y avait un lac rempli de perles précieuses; l'empereur envoya aussitôt un mandarin de confiance à la recherche du lac, et celui-ci passant une nuit près du rocher d'Ama-Ko, s'endormit dans le lieu même où le matelot avait déposé la statue de la déesse. Alors notre mandarin vit en rêve la déesse, qui lui apprit que le lac aux perles se trouvait à Hopoo, dans le Keaou chow. Il se leva matin, et se dirigea en toute hâte vers le lieu indiqué , où il trouva, ainsi qu'il lui avait été enseigné, des perles de la plus riche espèce. En reconnaisance de cette découverte, il bâtit un temple à la déesse. Il y a environ douze ans que ce temple, dégradé par le temps, tombait en ruines, lorsque les marchands du Fo-kien se réunirent et donnèrent une somme considérable pour élever un nouveau temple à leur déesse favorite. L'édifice qui fut construit est le temple actuel; il se compose de plusieurs bâtimens, dont l'un est dédié à la déesse Kyanin, le second à la Bienveillance Universelle, et le troisième à la déesse Matsoo-Poo. Des bâtimens qui sont attenants, servent de demeures aux prêtres qui desservent le temple. La religion indigène de la Chine est un systême de polythéisme, qui a une grande ressemblance avec les théogonies de l'Egypte et de la Grèce. Les régions du firmament, là terre, et les eaux sont placées séparément sous la protection d'une divinité spéciale, qui a une autorité exclusive sur ces domaines. Les collines et les montagnes, les fleuves et les ruisseaux ont chacun un protecteur invisible, que le laboureur Chinois adore, et auquel il demande la fécondité pour son champ. Les dieux de la terre sont également un objet de grande vénération pour les habitants des campagnes; à certaines époques de l'année, leur autels sont chargés de fruits qu'y déposent la reconnaissance et la piété de l'homme des champs. Ces divinités, contrairement à l'idée des Chinois en matiére de gouvernement, ne subissent le controle d'aucune divinité supérieure; chacun d'eux agit, comme il lui plaît, dans la sphère qui lui est propre. Le Chinois, qui ne saurait comprendre qu'un royaume ou une famille put être administré autrement que par une volonté unique, ne saurait admettre dans sa religion que toutes les transformations du monde visible et invisible, leur corrélation entr'elles, leur harmonie, soient le fait d'un seul principe. Ces différentes divinités ont des temples, des autels, des niches, ornés de sculptures et de tableaux ; et les offrandes qu'on leur apporte consistent en viande, en légumes, en fruits. (...)
Il existe à Macao un de ces temples, appelé le vieux templet, également très remarquable. Une avenue charmante, bordée de collines couvertes d'arbres au feuillage d'un vert magnifique, vous y conduit. Le temple est enseveli au milieu de bouquets d'arbres, de façon qu'on arrive à quelques pas de l'édifice sans l'avoir aperçu. En face se dressent deux grands mâts sur lesquels flotte l'étendard impérial ; un escalier dont les degrés sont taillés dans des pierres monumentales, couvertes d'inscrip tions et de noms, vous conduit dans le saint lieu. Il n'est pas d'endroit dans tout l'empire, où ce qui constitue un paysage Chinois soit concentré dans un plus petit espace . Des arbres verdoyans qui ont leurs racines dans les rochers, un petit enclos dont l'air solitaire et la propreté rappellent les cimetières des pays protestants; un mur déchiré dans quelques endroits, recouvert dans d'autres d'un épais tapis de mousse; une balustrade richement ornée, et couvertes d'instruments de musique et d'instruments aratoires habilement sculptés, sont les principaux objets qui frappent vos regards. Dans un groupe est représenté un enfant assis sur un quadrupède d'une espèce inconnue; il est accompagné par des hommes vénérables et suivi de deux femmes qui portent des ombrelles, tandisque Satan, le front orné de cornes menaçantes, prend la fuite. Plus loin est un autre groupe représentant la dédicace du temple. Un toit, richement orné, et entièrement de porcelaine, supporte une jonque, sur laquelle l'artiste a sculpté différentes scènes nationales. Au-dessous d'une magnifique corniche sont deux panneaux de forme oblongue, encadrés dans une bordure en pierre rouge. Le plus élevé contient des bas-reliefs qui représentent des figures grotesques; le plus bas est couvert de maximes tirées des écrits du grand fondateur de la secte des idolâtres au-dessous de cette tablette s'ouvre une fenêtre large et circulaire qui a été taillée dans la pierre avec beaucoup de soin.
Le dessein de la façade de l'édifice se compose d'une division centrale et de deux divisions latérales, separées les unes des autres par des pilastres couverts d'inscriptions et de différens ornemens. Chaque division est percée par une fenêtre carrée, d'une large dimension, et ornée de sculptures dont le travail est parfait. Il semble en examinant ce travail dans son ensemble, que l'architecte ait eu pour but d'établir la supériorité de l'industrie et de la perséverance sur le génie inculte. À l'exception de ce temple et de quelques autres édifices, Macao, où florissait autrefois un si grand commerce, où l'Espagne, si fière et si haute dans les temps passés, était obligée de saluer le pavillon de sa rivale, ne présente plus que le spectacle d'une ville délabrée et tombant en ruines. La Pria, ou la Praya Grande, est encore un specimen vivant de cet ancien théâtre de la grandeur du commerce Portugais. Vue de la mer, cette promenade offre un coup-d'œil magnifique. Une rangée de belles maisons qui s'allonge en forme de croissant, suit les contours gracieux de la baie. C'est là que s'élèvent le palais du gouverneur Portugais, la factorie Anglaise, et la douane que l'on reconnait au pavillon impérial. À l'extrémité de ce qu'on appelle le grande rue , est bâti le sénat, édifice qui ne se recommande à l'attention que par ses dimensions gigantesques.
Excertos de "L'Empire Chinois Illustré", texto de Clément Pellé e ilustrações de Thomas Allom. Publicado em 1845.
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